Quantcast
Channel: Emploi – Focus Campus
Viewing all articles
Browse latest Browse all 23

Avignon : l’entreprise (et ses dirigeants) face à ses nouvelles responsabilités

$
0
0

Philippe Debruyne (CFDT), Pierre Gattaz (Business France), François Moreau (Altédia) et Frédéric Ferrer (ESCP Europe), pendant une table ronde consacrée à « La paix des talents ».

« L’entreprise providence ? » (bien noter le point d’interrogation) : tel était cette année le thème du colloque « Dirigeants en pays d’Avignon », organisé début juillet à l’initiative du Groupe IGS dans le cadre de la Maison Jean Vilar et de la Collection Lambert. Autrement dit, quelle place pour l’entreprise dans la société ? Jusqu’où peut-elle et doit-elle étendre ses missions ? Il lui incombe toujours, certes, de produire des biens et/ou des services, de fournir de l’emploi et un salaire à ses collaborateurs.

Mais chacun voit bien aujourd’hui que cela ne suffit plus. Il lui faut aussi répondre à de multiples attentes – en termes d’éthique, de responsabilité sociale, de protection de l’environnement, de développement durable, d’engagement dans la vie de la cité, de respect des différences, de protection de la vie privée, d’épanouissement des individus… et on pourrait allonger la liste. Bref, l’entreprise, est-elle responsable de tout ? Peut-elle répondre à toutes ces attentes ? Et comment ? A quel prix ? Ne pas oublier en effet que l’entreprise doit d’abord assurer sa propre survie en restant rentable, et donc dégager du profit… On parlait il y a quelques années d’ « entreprise citoyenne » : ce concept semble désormais dépassé. Au point que certains évoquent maintenant l’idée d’entreprise « nounou », omniprésente – et toute puissante.

Depuis onze ans, la cité papale accueille en effet « Dirigeants en pays d’Avignon ». Un colloque qui réunit chefs d’entreprise et DRH, essayistes, hommes politiques, artistes, syndicalistes, philosophes, enseignants… « DPA permet à des personnalités de tous horizons de se retrouver dans une ambiance détendue, propice à la prise de recul », se plaît à souligner Jean-Pierre Hulot, administrateur du Groupe IGS et organisateur de l’événement. L’occasion pour les participants d’exposer leur vision, d’échanger, de réfléchir ensemble aux changements à l’oeuvre dans la société, les entreprises et l’éducation, le management… Le tout dans un cadre convivial, sous un ciel idéalement bleu, loin de la pression du travail au quotidien, et dans un lieu où soufflent l’esprit et la culture. 

Roger Serre, directeur délégué du Groupe IGS

A priori, cette édition 2019 de DPA se situait donc bien loin des problématiques de l’enseignement supérieur et de l’école en général. Le sujet de l’éducation est pourtant revenu régulièrement dans la bouche des intervenants, comme un leitmotiv. Tant il est vrai que, face aux défis auxquels est confrontée notre société, l’éducation apparaît comme une des premières réponses, une des plus évidentes. C’est d’ailleurs dans cette logique qu’entend s’inscrire le Groupe IGS. Roger Serre, son fondateur et délégué général, plaide ainsi pour « un nouveau modèle éducatif, fondé sur l’humanisme, l’entrepreneuriat et le professionnalisme. » 

Que retenir, donc, de ces journées d’échanges et de débats ? Que l’entreprise est désormais confrontée à des enjeux et à des attentes sans cesse plus larges – à commencer par le défi environnemental et climatique. « L’emploi, ce n’est pas juste un salaire », rappelait à juste titre Myriam El Khomri, ex-ministre du Travail.

Ensuite, que la formation des cadres et dirigeants doit s’adapter à cette nouvelle donne. Si l’entreprise se voit confier des missions sans cesse plus larges, cela suppose d’importants changements dans la façon de la diriger – et donc dans la formation des managers. Nous revoici donc bien revenus à la question de l’éducation. Les futurs managers ne peuvent plus se contenter d’être des techniciens « performants », mais sans état d’âme. Ils leur faut être à la fois polyvalents et responsables. Dès leur formation initiale. 

Polyvalents, parce que les défis qui se posent à l’entreprise sont de plus en plus complexes, inédits souvent, et d’ordre planétaire. Les managers doivent donc être capables d’intégrer une multitude d’approches – environnementale, géopolitique, économique, sociale… Cette complexité nouvelle, seule la prise de hauteur que donne la culture générale est capable de la traiter de façon satisfaisante. C’est pourquoi on voit de plus en plus les écoles de management – et même d’ingénieurs – mettre à leur programme des disciplines comme la sociologie, l’histoire ou la philosophie, voire l’ouverture sur les arts. Ce n’est pas un hasard si Grenoble Ecole de Management organise ainsi chaque année un Festival de géopolitique, qui attire un public toujours plus large et passionné. De même, des business schools comme EM Normandie, Burgundy School of Business, l’IGS, HEC ou Audencia insistent de plus en plus sur la culture et les arts, sous des formes variées.  

Responsables, aussi, parce que les décisions qu’ils prendront auront forcément un impact sur leurs collaborateurs, leurs clients, leurs sous-traitants, et même sur leur environnement et sur la société toute entière. Les grandes écoles l’ont bien compris, qui intègrent de plus en plus la dimension RSE. Parce que le sujet mobilise de plus en plus leurs étudiants, et parce que cela répond aux attentes des entreprises. « Environ 10 % des ingénieurs, toutes promotions confondues, et plus de 20 % des managers ont cette dimension dans leur mission, constate la Conférence des grandes écoles dans sa dernière enquête sur l’insertion professionnelle des diplômés. Le plus souvent via les pratiques liées au développement durable. »

*******************

Questions à Lionel Prudhomme, directeur de la filière RH au Lispe (Laboratoire d’innovation sociale et de la performance économique) du Groupe IGS.

« Les étudiants doivent faire preuve d’esprit critique »

Si l’entreprise voit son rôle considérablement étendu dans la société, quel impact cela a-t-il pour les étudiants ?

Ils doivent savoir prendre de la distance, faire preuve d’esprit critique. Il doivent être capables de se demander « à quoi ça sert ? ». Par exemple, quand on élabore un plan stratégique à 3 ou 5 ans, ils ne doivent pas seulement se demander comment on procède, mais pourquoi on le fait. Quel est l’objectif ? A quoi cela sert-il ? On a beaucoup mis en process le monde du travail, et on a eu tendance à oublier le contexte. Or dans un corps social, il y a un cadre de contraintes. Miser sur l’intelligence collective permet de fabriquer des réponses adaptées.

Et pour les étudiants, nous les poussons à définir des points de vue, à affirmer un argumentaire sur tel ou tel point. A questionner l’enjeu réel avant d’agir. C’est une façon de donner du sens. Cela répond d’ailleurs à leurs attentes. Et cela donne aussi du sens à l’institution éducative elle-même. 

N’assiste-t-on pas aussi à un regain de faveur des « humanités » et de la culture générale sur les campus ? Pourquoi ?

C’est en effet un constat que nous partageons. Et à l’IGS, nous y prenons notre part. Nous sommes en train de réinjecter fortement cette dimension dans nos enseignements. Cela peut prendre des formes variées : l’histoire, la philosohie… Nous abordons l’histoire sociale, par exemple, ou la construction des syndicats. Cela permet aux étudiants de décrypter les positions des syndicalistes. Nous avons aussi en projet un cours sur les institutions européennes. Il est possible de mettre ces enseignements en relation avec un thème d’actualité ou avec des enseignements plus techniques. Cela permet une mise en perspective.

L’art, l’éveil aux disciplines artistiques ont-ils une place dans cette approche ?

Tout à fait. Nous avons par exemple invité une pianiste prodige, Lydie Salomon. Elle a donné un concert, avec en prime une partie pédagogique, où elle expliquait ce qu’elle jouait et pourquoi. Les étudiants, de leur côté, pouvaient jouer aux-mêmes avec des percussions. Nous utilisons aussi le théâtre, voire l’art pictural. Ce sont des graines que nous semons… 

Comment responsabiliser les étudiants, dès leur cursus initial ? 

Nous y travaillons notamment à travers des projets collectifs qui leur sont confiés. Certains étudiants se montrent très intéressés et ont un rôle moteur, d’autres s’impliquent moins. Nous leur fournissons un cadre de contraintes, mais nous les laissons s’organiser à leur guise. L’évaluation se fait sur la qualité du travail produit – avec une note pour le groupe, et une note individuelle.


Viewing all articles
Browse latest Browse all 23

Latest Images



Latest Images